Symbole emblématique des courses automobiles, aussitôt est-il agité qu’il est déjà oublié car l’attention se porte immédiatement sur autre chose, le drapeau à damier est incontestablement le symbole universel de la course.
Que cela soit à pied, en vélo, en moto, en voiture, dans les jeux vidéo, il marque la fin d’une épreuve, il est le synonyme de victoire ou de désillusion. Mais alors que nous le voyons tous les week-ends de Grand Prix en F1 (et ailleurs), il est temps de résoudre un mystère : que signifie et quelle est l’origine du drapeau à damier?
Légendes urbaines
En débutant cette « enquête », nous sommes immédiatement tombés sur une rumeur que l’on retrouve un peu partout. Si elle a l’avantage d’être mignonne et facile à retenir, elle est toutefois invérifiable et aucune preuve matérielle n’a pu confirmer cette histoire.
Nous sommes au milieu des années 1800, les colons du Midwest américain ayant une culture équestre très ancrée, organisaient des courses hippiques le tout dans une ambiance festive où la course laissait place à de grands repas publics façon « pique-nique ».
Afin d’indiquer aux compétiteurs que le repas était prêt et que la course devait se terminer rapidement, une nappe à carreaux était alors agitée d’un geste vif en bord de piste. Le drapeau à damier était né. L’histoire est belle, mais comme indiqué plus haut elle relève de la légende urbaine.
Le cyclisme français s’est également déclaré géniteur du drapeau à damier, notamment parce que des courses cyclistes auraient été conclues avec un drapeau à damier au milieu de 19ème siècle. Là encore, aucune preuve concrète sur la table qui puisse nous permettre d’approuver cette origine.
Les premières traces concrètes
Pour retrouver la première preuve matérielle d’un drapeau à damier il faudra retourner aux États-Unis en 1906 quand le photographe Fred Wagner immortalisa la fin de la course de la Vanderbilt Cup à Long Island dans l’État de New-York. Le drapeau à damier y était alors assez imposant avec des carreaux plus gros que ce que nous avons l’habitude de voir.
Cette même année, un employé de la Packard Motor Car Company, Sidney Waldon, a utilisé ce même motif pour marquer les points de contrôle le long des épreuves de type rallye du Glidden Tour. Pour les moins anglophones d’entre vous, « point de contrôle » en anglais se dit « Checkpoint » et les personnes qui y étaient postées et qui agitaient ces fameux drapeaux pour indiquer aux compétiteurs la présence du checkpoint se faisaient appeler les « Checkers ». En anglais, le drapeau à damier se dit « chequered flag », la boucle est bouclée !
Mais alors pourquoi ce motif en forme de damier ? Et bien tout simplement car c’est le plus évident à distinguer quand vous roulez sur des pistes poussiéreuses avec du matériel très archaïque. Les casques avec visière mettront 50 à 60 ans à se démocratiser et à l’époque un morceau de cuir sur la tête et des lunettes faisaient l’affaire. Donc, des gros carrés blancs et noirs sur un drapeau étaient parfaits!
Depuis, le drapeau à damier s’est imposé comme étant le drapeau de fin d’épreuve à travers le monde. Aussi étrange que cela puisse paraitre il n’existe pas de modèle standard pour le drapeau à damier, il ne fait l’objet d’aucune réglementation. Bien qu’il soit presque toujours composé de carrés ou de rectangles noirs et blancs alternés et disposés en damier, le nombre, la taille et les proportions longueur-largeur des rectangles varient d’un drapeau à l’autre.
Le drapeau à damier en F1
Le drapeau à damier a été présent en Formule 1 dès la première course de l’histoire au Grand Prix de Grande-Bretagne le 13 mai 1950 à Silverstone, c’est le pilote italien Giuseppe (Nino) Farina qui franchira la ligne d’arrivée à la première place et verra ainsi pour la première fois le drapeau à damier en F1, qui depuis n’a de cesse de mettre un terme à chaque séance et Grand Prix de F1.
A savoir qu’en Formule 1 le drapeau à damier est « tout puissant » et dès lors qu’il est agité cela signifie la fin de séance ou course, même si tous les tours n’ont pas été bouclés (article 43.2 du règlement sportif de la F1). Cela a d’ailleurs été le cas en 2018 au Grand prix du Canada lorsque le mannequin Winnie Harlow avait agité le drapeau un tour trop tôt, amputant ainsi la course d’un tour.
Pour palier à ce problème, la FIA avait alors décidé d’automatiser la procédure de drapeau à damier (qui était tout de même agité de façon manuelle en parallèle). Ainsi, de manière informatisée les instances se sont assurées d’avoir un système fiable… vous me voyez venir, à peine quelques mois plus tard, lors du Grand Prix du Japon 2019 le drapeau à damier a été une nouvelle fois brandi un tour trop tôt par les panneaux électroniques amputant la course d’un tour à nouveau.
Vous l’aurez compris, il n’y a pas d’origine officielle pour le drapeau à damier même si les sources les plus sérieuses s’accordent sur les prémices de ce dernier en 1906 aux États-Unis. Chaque discipline s’est appropriée le drapeau à damier, certaines en utilisent deux, d’autres l’ont coloré. Certains drapeaux à damier « iconiques » ont d’ailleurs été mis en vente à plusieurs centaines de milliers de dollars (ceux des 500 miles d’Indianapolis notamment). D’autres arborent le nom des fans sélectionnés lors de tirages au sort (c’est le cas parfois en F1).
Seule certitude concernant l’histoire du drapeau à damier, il reste le symbole universel des sports mécaniques et il continuera à flotter sur les circuits de la planète entière pour encore de nombreuses décennies…