L’Acte de vengeance : Le crash délibéré de Senna à Suzuka en 1990

Le 21 octobre 1990 restera comme le jour où le titre de Formule 1 a été décidé en l’espace de quelques secondes, non par la performance, mais par un acte de volonté et de rancœur. Le Grand Prix du Japon 1990, disputé à Suzuka, a été le théâtre de l’apogée de la rivalité entre Ayrton Senna (McLaren) et Alain Prost (Ferrari), se soldant par un accrochage délibéré qui a immédiatement couronné le Brésilien.

La Polémique de la Pole Position

L’étincelle de ce désastre fut une décision administrative prise avant même le départ. Ayrton Senna, ayant décroché la pole position, se retrouva du côté extérieur et sale de la piste, traditionnellement désavantagé au départ à Suzuka. Un an plus tôt, une situation similaire avait conduit à sa disqualification controversée par le président de la FIA, Jean-Marie Balestre, après son célèbre accrochage avec Prost, coûtant le titre à Senna.

Le Brésilien exigea que la pole position soit déplacée de l’autre côté de la piste, le côté plus propre, une requête initialement acceptée, puis refusée au dernier moment par la direction de course. Se sentant victime d’une nouvelle injustice visant à favoriser son rival français, Senna, extrêmement vexé, annonça à ses mécaniciens qu’il ne laisserait plus Prost passer s’il prenait le meilleur départ.

Le Crash en huit secondes

Le scénario redouté se déroula dès l’extinction des feux. Alain Prost, parti de la deuxième place sur la ligne intérieure plus propre, prit le meilleur envol. Il se porta immédiatement en tête, s’engageant vers le premier virage, une courbe à droite rapide.

Senna, furieux et fidèle à sa parole, ne tenta aucune manœuvre de freinage ni de contournement réaliste. Il maintint sa trajectoire à pleine vitesse, visant délibérément la Ferrari de Prost. À peine huit secondes après le départ, la McLaren et la Ferrari se percutèrent violemment, envoyant les deux voitures dans le bac à gravier. L’abandon fut instantané pour les deux prétendants.

L’impact eut une conséquence mathématique immédiate et définitive : avec les deux hommes hors course, Ayrton Senna s’assurait son deuxième titre de Champion du Monde.

Quelques années plus tard, Senna avouera publiquement avoir intentionnellement provoqué l’accident, expliquant qu’il s’agissait d’une vengeance contre Balestre et les instances qu’il jugeait partiales. Ce dénouement, bien que donnant à Senna son dû sportif, laissa un goût amer, posant une fois de plus la question des limites entre la compétition acharnée et l’esprit sportif.