La discipline reine du sport automobile vit cette année ses 71 ans et son épopée historique, humaine, est toujours restée intimement liée à des phases d’évolution technologique majeures. Cet enchevêtrement de passions nourries par l’abondance de pilotes chevronnés et la capacité d’innovation des équipes techniques, ont permis ensemble de donner à la Formule 1 ses plus grands succès sportifs et ses plus belles lettres de noblesse.
Structures mécaniques, lois de l’aérodynamique, cartographies électroniques, développement des meilleurs alliages, des plus complexes matériaux de synthèse ou composites, architecture pneumatique, tout y passe pour obtenir les meilleures garanties de succès. De ces secteurs de recherche, l’informatique en est le trait d’union, le facteur indissociable.
C’est ce dernier qui prend désormais une place entière dans la vie des équipes en s’imposant comme catalyseur de victoires et de pérennisation des succès pour les écuries de F1.
Son foisonnement est né au fil de ces dernières années par la juxtaposition de trois facteurs : l’avènement des moteurs hybrides requérant une intégration et un contrôle jamais connus auparavant des différents éléments techniques qui les composent; le bon exponentiel des technologies de communication et de transfert des données, puis l’aptitude prépondérante à la préparation des voitures en amont des Grands-Prix.
Le règlement sportif actuel restreignant plus encore le temps passé en piste lors des essais libres et celui autorisé à l’intérieur des garages, jusqu’à la course, oblige les équipes à toujours voir plus vite, plus tôt.
Cognizant, TeamViewer, Oracle…
En l’espace d’un peu plus de 4 mois, trois équipes ont signé des accords majeurs pluriannuels avec des géants mondiaux du traitement informatique. Aston Martin F1 a lancé le coup d’envoi, en tout début d’année, avec Cognizant, entreprise américaine cotée 193ème au Fortune 500 (classement des 500 plus grandes entreprises de ce pays), avec une négociation aboutissant à son officialisation en tant que sponsor titre le 08 Janvier dernier et à la clé un contrat d’un montant de 35 millions d’euros annuel.
« Ce que Cognizant peut faire avec nos données, provenant de la voiture, des essais en usine, en course, peut faire beaucoup pour nos performances » explique Lawrence Stroll, propriétaire et investisseur majoritaire de l’écurie Aston Martin F1.
Le mouvement s’est ensuite accéléré avec les deux meilleures écuries actuelles du plateau F1, lors d’annonces officielles pendant le weekend de la première manche du Championnat du Monde de Formule 1 2021 sur le Circuit de Bahrain les 28 et 29 Mars derniers.
Tour à tour Red Bull Racing Honda annonçant son partenariat avec Oracle, le célèbre géant américain des technologies de l’informatique, dont le nom apparaît depuis très visiblement sur les flancs latéraux avant des deux voitures, puis Mercedes-AMG Petronas qui est désormais à la recherche de ses huitièmes titres pilotes et constructeurs d’affilés; officialisant au lendemain de ce même Grand-Prix un accord stratégique de 5 ans avec l’entreprise allemande TeamViewer.
Christian Horner, patron de l’écurie Red Bull Racing Honda : « Oracle est une organisation massive qui est à la pointe de l’innovation technique depuis plus de quatre décennies. En tant que l’un des noms les plus reconnus et les plus fiables du secteur dans le domaine de la gestion de bases de données et du cloud computing, Oracle apporte des capacités, des innovations et une expertise considérables »
« Pouvoir puiser dans cette puissance et ces connaissances exceptionnelles est une avancée majeure pour notre équipe. L’expertise d’Oracle touchera de nombreux domaines de l’entreprise, du développement des principaux mécanismes d’engagement des fans et de création de marques, à la fourniture de nouvelles ressources riches à travers l’équipe »
Et à Toto Wolff, Directeur de l’équipe Mercedes-AMG Petronas F1 et responsable de Mercedes-Benz Motorsport, de lui emboîter le pas : « Le sport automobile est un catalyseur éprouvé pour la technologie et le développement commercial, et nous sommes ravis de travailler avec TeamViewer sur les deux fronts au cours des années à venir »
« En travaillant ensemble nous pouvons générer des gains de performance technologique qui nous aiderons aussi à optimiser les opérations à distance. Je suis ravi de les accueillir dans l’équipe et j’ai hâte de voir leur marque entrer sur la scène mondiale avec nos courses à Monaco en mai »
Le profit de la capacité d’apprentissage automatique, de calculs haute performance
Le renforcement d’une compétitivité déjà exceptionnelle, la consolidation de son propre avantage concurrentiel quand les courses sont parfois décidées de justesse, tel est l’objectif porté en faisant coordonner à son plus haut niveau d’exigences l’optimisation avec l’analyse des données. Comment? : en s’appuyant massivement sur les capacités d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique : bienvenue dans le monde du « machine learning ».
Exemple : Les voitures actuelles de Lewis Hamilton et de Valtteri Bottas sont chargées de plusieurs centaines de capteurs qui transmettent des millions de points de données au cours d’un week-end de course. Plus de 300 Go de données seraient transmises depuis la voiture. Williams affirme de son côté de disposer de plus d’un millier de canaux de données collectés à tout moment pendant une course.
L’apport des solutions de connectivité de pointe pour le diagnostic à distance et de collaboration prend donc tout son sens entre entreprises à la pointe de la technologie, en prenant en charge et en optimisant n’importe quel processus enregistré sur la voiture, à tout moment et depuis n’importe où, aussi bien sur piste qu’en usine.
Le machine learning modifie la façon dont la F1 automatise, collecte, analyse et exploite les données pour prendre des décisions.
Si l’on souhaite comprendre en quoi cela consiste, imaginez-vous un instant être un ingénieur travaillant au coeur des datas retranscrites par les capteurs embarqués dans les voitures de Formule 1. Ce scientifique des données va d’abord partir d’une variable cible qu’il voudra prédire pour ensuite en établir un modèle dont l’objectif sera d’en déterminer les performances. Deux critères fondamentaux vont lui être à la fois indispensables et complémentaires : la précision et le rappel afin de déterminer un score de pertinence.
Métriques d’évaluation pour l’apprentissage automatique
La mesure d’une performance va se faire par le biais d’un ensemble de données qui vont alimenter ledit modèle suivant une classification de résultats, cette classification sera elle-même représentée dans un tableau appelé matrice de confusion.
Le tableau va présenter in fine des classes de calculs positifs ou négatifs pour chaque résultat de départ. Il s’en suivra une classification binaire dont les interprétations peuvent être vues en terme de vrais positifs, vrais négatifs; de faux positifs et de faux négatifs.
A la sortie de ce travail, la précision des valeurs peut instantanément dire si un modèle est correctement entraîné mais elle ne donnera pas d’informations suffisamment détaillées sur son niveau d’application vis à vis de la variable d’étude choisie au départ. Elle va devoir être corrélée avec des méthodes dites « de rappel ».
Ces dernières vont permettre via des algorithmes d’affiner la proportion des données les plus pertinentes par rapport au volume total de celles qui le sont déjà, au sein des interprétations citées précédemment. Les calculs finaux les plus performants seront ceux qui présenteront la plus basse quantité de faux positifs et de faux négatifs.
L’ingénieur se devra donc d’optimiser les mesures de performances les plus utiles par rapport à un problème spécifique, s’il veut obtenir les meilleurs scores de pertinence.
Multipliez ce travail avec toutes les sources de datas qui peuvent être reçues aujourd’hui à chaque instant et à une vitesse fulgurante, lorsque les voitures évoluent sur le circuit pour un paramètre donné (températures des pneus et des freins, performances moteur et du débit d’air, comportement du fond plat, des suspensions, des ailerons, les arrêts au stand, la réactivité du pilote…), et vous comprendrez la nécessité pour les équipes Formule 1 de s’adosser à des entreprises à la pointe de ces technologies de calculs, pour décupler leur compétitivité.
La télémétrie « traditionnelle » autrefois obtenue efficacement sur un tour s’est muée en une véritable machine de données capables d’être transmises tour à tour sur l’ensemble d’une course.
Maintenant, c’est la capacité de transfert simultané et en continu des données vers les stands et l’usine, associée aux méthodes puissantes d’analyse de calculs obtenues en retour par les équipes d’ingénieurs, qui apportent instantanément des prises de décision en temps réel ultra déterminantes pour les équipes de course avec des informations de nature hautement stratégique que d’autres écuries, non équipées de la sorte, ne pourraient obtenir.
Technologies inédites pour les fans de F1 du monde entier
Les écuries ne sont pas les seules à franchir ce cap au fur et à mesure, ce sont des nouveaux standards qui concernent la Formule 1 dans son ensemble, dont l’organisation et la vie des weekends de Grands-Prix. La manière avec laquelle les acteurs de la F1 veulent étendre l’expérience des courses au sein même de la communauté de plus d’un demi-milliard de fans, grâce aux statistiques utilisant les mêmes technologies d’apprentissage automatique, est prometteuse.
Partenariat entre la F1 et Amazon Web Services – AWS
« Avec ce nouvel ensemble de statistiques de course pour 2021, nous allons plus loin que jamais. De nouvelles informations telles que les performances de freinage et les risques d’undercuts (ex: estimation prédictive du classement en course après les arrêts aux stands ou de la grille de départ en fonction des rythmes de performance pendant les essais libres), autorisent des sources supplémentaires de stratégies et de performances de course, aboutissant à des visualisations avancées pour rendre la science de la course encore plus compréhensible et excitante »
« La technologie des Formule 1 s’améliore constamment et grâce à AWS, nos fans peuvent apprécier l’impact de cette technologie sur les résultats de la course ». Rob Smedley, ingénieur technique en chef et responsable de l’analyse des performances de la Formule 1.
18 outils de statistiques de course en temps réel affichés sous forme de graphiques seront disponibles pour les fans d’ici la fin de la Saison, transformant l’expérience pour les fans de F1 en les aidant à mieux apprécier les décisions clés des pilotes et écuries et à mettre en évidence les résultats potentiels tout en comparant leurs pilotes et voitures préférées.
Les écuries ayant créé des partenariats vont pouvoir elles aussi offrir des contenus de divertissement et des opportunités d’interaction supérieures avec leurs propre fans, en plus de l’activité piste.
Dans cette nouvelle ère, les écuries de Formule 1 s’entourent les unes après les autres d’entreprises qui se doivent d’être des incubateurs technologiques et cela correspond tout à fait au parcours d’innovation d’aujourd’hui, en réunissant le monde des applications informatiques et celui des applications cloud.
La maintenance prédictive, le « deep-learning », l’optimisation des processus d’intervention basée sur les données, sont le cheval de bataille des écuries qui doit leur permettre de devenir plus fortes, plus longtemps. Dans aucun autre sport, l’évolution et l’adoption des nouvelles technologies n’ont été aussi dynamiques que dans la Formule 1 qui n’est plus seulement et depuis bien longtemps le spectacle d’une rivalité entre les meilleurs pilotes du monde, mais aussi une compétition entre les ingénieurs et les entreprises les plus innovantes à l’échelle mondiale.
????super article très bien documenté et illustré.
Bravo Julien
Merci pour ce bel article Julien !
Bonne continuation .???
Marjorie
Article super intéressant. Merci Mr Julien
Merci pour cet article de fond de qualité !