Gene Haas, propriétaire de l’écurie éponyme, a expliqué les raisons qui l’ont poussé à se séparer à la veille de la saison 2024 de F1 de son Team Principal, Guenther Steiner, à la tête de son équipe depuis 2014.
Ce mercredi 10 janvier, l’écurie Haas a créé la surprise en annonçant le départ de son directeur emblématique Guenther Steiner et en nommant dans la foulée son remplaçant, le Japonais Ayao Komatsu, directement promu de son poste de directeur de l’ingénierie.
Dans un entretien exclusif pour le site de la Formule 1, le propriétaire de l’équipe, Gene Haas, est revenu un peu plus en détail sur les raisons qu’il l’ont poussé à se séparer de Guenther Steiner juste avant que la saison 2024 ne débute. Sans réelle surprise, l’Américain a indiqué qu’il s’agissait d’une question de performances.
« C’était une question de performances. Nous en sommes à notre huitième année, sur 160 courses – nous ne sommes jamais montés sur un podium. Ces dernières années, nous étions dixième ou neuvième. » a expliqué Gene Haas.
« Je ne suis pas assis ici à dire que c’est la faute de Guenther, ou quelque chose comme ça, mais il semble que c’était le moment approprié pour faire un changement et essayer une direction différente, car il ne me semble pas que continuer avec ce que nous avions allait fonctionner. »
Rien de personnel donc selon Gene Haas qui a insisté sur le fait qu’il apprécie toujours autant « son ami » Steiner : « C’est vrai, j’aime bien Guenther. Mais nous avons eu une fin d’année difficile. »
« Je ne comprends pas vraiment ce qui n’a pas fonctionné, et en fin de compte, c’est une question de performance, je n’ai aucun intérêt à être dixième. »
Depuis ses débuts en catégorie reine en 2016, l’équipe Haas n’a jamais vraiment réussi à décoller du bas de classement hormis en 2018 lorsque l’écurie américaine a terminé cinquième au championnat du monde des constructeurs. Les années suivantes, Haas a terminé neuvième en 2019 et 2020, dixième en 2021, huitième en 2022 et une nouvelle fois dixième en 2023.
Un nouveau départ avec Komatsu
Gene Haas espère que sous la houlette d’Ayao Komatsu, le nouveau Team Principal, son équipe sera en mesure dès cette saison de remonter dans la hiérarchie. L’Américain a d’ailleurs expliqué que son choix s’est naturellement porté sur le Japonais qui fait partie de l’équipe depuis 2016 et a plus de 20 ans d’expérience en Formule 1.
« Nous avons regardé de l’intérieur qui avait le plus d’expérience. » a expliqué Gene Haas. « Ayao fait partie de l’équipe depuis le premier jour, il en connaît les tenants et les aboutissants. Ma plus grande préoccupation est que lorsque nous irons à Bahreïn, nous devrons nous présenter avec une voiture prête à partir. Peut-être qu’en ayant une approche plus managériale et plus technique, nous verrons si cela présente des avantages. »
« Je pense que Guenther avait une approche plus humaine de tout ce qui concernait les gens et la façon dont il interagissait avec les gens, il était très bon dans ce domaine. Ayao est très technique, il regarde les choses en se basant sur des statistiques : voici ce que nous faisons de mal, où pouvons nous faire mieux. C’est une approche différente. Nous avons vraiment besoin de quelque chose de différent parce que nous n’étions pas vraiment bien. »
Lorsqu’on lui demande pourquoi il n’a pas choisi une personne extérieure à l’équipe, alors que d’anciens chefs d’équipe sont disponibles sur le marché, comme par exemple, Otmar Szafnauer (ex Alpine), Mattia Binotto (ex Ferrari) ou encore Jost Capito (ex Williams), Gene Haas répond : « Je dirige Haas Automation depuis plus de 40 ans maintenant [sa société]. Lorsqu’on fait venir des gens de l’extérieur, il leur faut du temps pour apprendre, six mois à un an, et beaucoup de temps, même si on ne les aime pas. Il vaut mieux prendre des gens que vous connaissez, et même s’ils ne correspondent pas parfaitement, au moins vous savez ce que vous allez obtenir. »
« Cela a plutôt bien fonctionné pour nous ici chez Haas Automation, donc j’applique vraiment de nombreux éléments de base qui étaient ici à l’équipe de Formule 1. J’aime vraiment avoir des gens que je connais, qui comprennent les opérations quotidiennes, comprennent les gens, [plutôt] que de faire appel à un étranger qui va tout remuer et créer le désordre. »
Haas n’est pas à vendre !
Alors que de mauvais résultats à répétition pourraient amener certains à jeter l’éponge, Gene Haas lui ne compte pas encore baisser les bras et n’a pas l’intention de vendre son écurie de Formule 1 : « Je ne suis pas entré en F1 pour vendre. » insiste-t-il.
« Je l’ai fait parce que je voulais courir. Guenther avait le même point de vue. Nous ne sommes pas là pour encaisser, nous voulons courir et être compétitifs. Si vous regardez n’importe quelle équipe, historiquement, elle a connu beaucoup de bonnes années et beaucoup de mauvaises années. »
« Survivre est l’une des caractéristiques de l’amélioration. Tant que vous pouvez survivre, vous avez toujours une année supplémentaire pour prouver votre valeur. C’est un grand changement. Perdre Guenther va obliger l’équipe à se concentrer sur d’autres aspects. J’espère que nous en sortirons meilleurs. »
Il y a quelques mois, des investisseurs ont montré leur intérêt au patron de Haas, mais ce dernier refuse catégoriquement de céder son équipe de Formule 1 : « Des investisseurs extérieurs sont venus nous voir et ils voulaient nous parler. »
« Ils s’attendent à un taux de rendement de 15 % chaque année. Donnez moi un taux de rendement de 15 % et j’ai quelques centaines de millions de dollars à vous donner ! Ils ont des attentes élevées, ils ont toutes sortes de règles. Ils veulent vous acheter, et cinq ans plus tard, ils veulent réaliser un bénéfice de 100 millions de dollars. Franchement, je ne fais pas ça. »
Pas un problème d’argent
« Il existe une perception selon laquelle nous dépensons beaucoup moins d’argent ; nous sommes généralement à moins de 10 millions de dollars de la limite budgétaire. Je pense simplement que nous ne faisons pas un très bon travail en dépensant cet argent. » poursuit Gene Haas.
« De nombreuses équipes ont déjà investi dans leurs infrastructures, leurs bâtiments, leurs équipements et leur personnel. Notre modèle consistait à externaliser une grande partie de cela. Nous dépensons beaucoup d’argent. Nous n’avons pas dépassé le plafond mais nous en sommes très proches. Je ne pense tout simplement pas que nous parvenions à dépenser cet argent de la manière la plus efficace possible. »
« Être efficace dans ce que nous faisons garantira notre survie dans cette série. Nous sommes l’une des équipes qui a survécu le plus longtemps, tous les autres [autres nouvelles équipes] ont eu tendance à dépenser tout leur argent au cours des premières années, puis ils ont fait faillite. »
« Nous avons survécu huit ans et nous ne sommes pas dans une situation où nous allons mettre la clé sous la porte. Mais je veux certainement pouvoir survivre pendant les 10 prochaines années. »
« Nous devons faire mieux. Il est plus facile de conserver et d’attirer des sponsors si nous sommes une équipe de milieu de peloton et non une équipe morte dernière. C’est mon point de vue à ce sujet. En même temps, si nous pouvons courir un peu plus vite, nous obtiendrons plus d’argent de la FOM [Formula One Management], ce qui nous rendra la vie un peu plus facile. »
« Il s’agit vraiment de gagner. Nous avons une grande équipe, nous avons d’excellents moteurs, nous avons de très bons pilotes. Il n’y a aucune raison pour que nous soyons 10ème. Je ne comprends pas comment nous pouvons être dernier avec tout l’équipement et les personnes dont nous disposons. »
Se rapprocher de Ferrari
Depuis ses débuts en F1 en 2016, l’équipe Haas utilise un moteur Ferrari et d’autres pièces listées, dont la suspension. Gene Haas estime que son équipe se doit de faire mieux avec le matériel dont elle dispose et se rapprocher de la Scuderia Ferrari en termes de performance.
« Ferrari a été très gentil avec nous. Ils sont avec nous depuis le premier jour, ils construisent des moteurs incroyables. Leur suspension est extrêmement bonne. Nous utilisons une grande partie de leur matériel. Cela fonctionne vraiment bien. Ils nous aident vraiment. Je suis gêné que nous n’ayons pas pu faire mieux avec cela, mais à l’avenir, je veux profiter d’un bon équipement que beaucoup d’autres équipes n’ont pas. »
« Les choses vont devenir beaucoup plus compétitives. Red Bull a AlphaTauri, nous commençons à voir ces relations évoluer, et je pense que la concurrence va être très intense, donc avoir un partenaire comme Ferrari va être très important. »
« Nous sommes très heureux de rester chez Ferrari. J’espère que nous pourrons les aider en termes de fiabilité. À l’avenir, lorsque Sauber abandonnera l’unité de puissance de Ferrari, nous serons le seul utilisateur de Ferrari. Ils voudront peut-être prendre un client ou deux. Peut-être qu’ils seront contents de nous. Mais nous devons faire mieux. Nous ne pouvons pas être aussi loin derrière Ferrari. Nous devons être plus proches d’eux. »
« Nous avons des moteurs Ferrari qui ont probablement plus de puissance que quiconque à l’heure actuelle. Nous avons du matériel Ferrari [conformément aux pièces autorisées dans le règlement], nous avons un bon châssis. Je parle à beaucoup d’ingénieurs et je pense que notre plus gros défaut est l’aéro ; notre programme aérodynamique a besoin de travail. Quand tu es sur la piste et que tu es humilié chaque week-end, il faut arrêter cela. »