L’ancien directeur général de l’équipe Alpine lorsqu’elle s’appelait encore Renault, Cyril Abiteboul, est revenu sur le week-end très mouvementé en coulisses de son ancienne équipe qui a annoncé en plein Grand Prix de Belgique les départs simultanés de grands noms tels que Otmar Szafnauer [team principal], Pat Fry [directeur technique] ou encore Alan Permane [directeur sportif]. Une semaine plus tôt, c’était le PDG d’Alpine, Laurent Rossi, qui était également remercié par la direction.
En tant qu’ancien directeur général de Renault F1, Cyril Abiteboul est peut-être le mieux placé pour décrypter la situation actuelle chez Alpine et le Français, qui a été remercié à la veille de la saison 2021 pour être remplacé par Laurent Rossi, n’y va pas de main morte lorsqu’on l’interroge sur les récentes annonces faites par l’équipe.
« Cela traduit une insatisfaction sur les résultats et très probablement d’une perte de patience de la part du comité de direction du groupe Renault. Au-delà de l’impatience, il y a peut-être eu aussi un peu d’arrogance en début de saison ou d’excès de confiance. » estime Abiteboul au titre de consultant pour France Info.
« Quand on ne se confronte pas à la réalité, au bout d’un moment on peut soi-même se raconter des histoires. Il n’est pas exclu que l’histoire que l’on se racontait en interne fût trop flatteuse. Mais Alpine n’est pas si loin non plus. »
« Les chronos peuvent être parfois bons, ou même très bons, d’autres fois bien moins bons. Mais Alpine n’est pas la seule dans ce cas-là. Les variations de compétitivité sont pour tout le monde cette saison, à part Red Bull, qui a un avantage tel qu’ils arrivent à se sortir de toutes les situations, même foireuses.«
« Alpine c’est l’inverse, ils sont toujours un cran en dessous. C’est parfois un peu de leur faute, parfois non. Ils perdent un grand nombre de points, ce qui les place 6e au championnat constructeurs, bien loin des objectifs annoncés. La compétitivité de la voiture en début de saison était en dessous, et ils n’ont pas eu cette espèce d’évolution miraculeuse qu’ont eue d’autres équipes : McLaren dernièrement, Mercedes, Ferrari, Aston Martin en début de saison. Alpine n’a pas sorti cette carte qui les ferait sortir du marigot. »
Le fameux plan en 100 courses…
Dès son arrivée à la tête d’Alpine en 2021, Laurent Rossi a dégainé un plan pour jouer le titre mondial au bout de 100 courses. Ce plan a d’ailleurs été revu à la hausse très récemment par Rossi lui-même, qui admettait il y a quelques semaines avant son éviction qu’il faudrait peut-être un peu plus de temps à Alpine pour jouer des victoires en Formule 1.
Pour Cyril Abiteboul, Laurent Rossi a eu tout faux dès le début avec ce plan en 100 courses, notamment parce qu’en Formule 1 il est bien difficile de maîtriser ce que fait la concurrence : « Les plans à quantifier à 100 Grands Prix, pourquoi pas 120, pourquoi pas 80… Je ne les comprends pas. » a ajouté Abiteboul.
« Quand on commence à afficher un plan comme ça, on est sûr d’avoir faux car on ne maîtrise pas ce que font les autres en Formule 1. Les investissements colossaux d’Aston Martin, la dynamique hallucinante de Red Bull, tout ça ne va pas s’arrêter parce qu’on arrivait au Grand Prix 99 de Laurent Rossi. »
« La direction précédente a tenu à faire un reset complet après mon départ, qui avait écarté une quinzaine de personnes. On le sous-estime tout le temps en F1 comme dans d’autres secteurs ultra concurrentiels : aller chercher quelqu’un à la concurrence, ça prend du temps. »
« Quand on perd 15 personnes et qu’on recrute… Il se passe deux à trois ans avant que ça fasse effet. Le remaniement que Laurent Rossi a souhaité faire, on n’a même pas vraiment vu ce qu’il donnait. »
Un mot sur le duo Gasly/Ocon
En tant qu’écurie française, Alpine a joué la carte du patriotisme à 100% en plaçant dans ses deux monoplaces deux pilotes français avec Esteban Ocon et Pierre Gasly qui a rejoint l’équipe cette saison. Mais pour Cyril Abiteboul, il ne peut pas y avoir deux grands pilotes dans la même équipe et prend pour exemple Red Bull ou encore Mercedes.
« Deux noms, c’est un de trop. Quand on ferme les yeux, qu’on pense à Mercedes, on pense à Lewis Hamilton, même si Nico Rosberg a fait des choses extraordinaires. » précise Abiteboul.
« Quand on pense à Red Bull, on pense au premier cycle autour de Sebastian Vettel, puis au deuxième cycle autour de Max Verstappen. Il y a besoin d’avoir un pilote qui soit aussi un peu le patron d’équipe, cette force de l’incarnation elle est fondamentale. »
« Aujourd’hui, la grille est très compétitive, toutes les voitures finissent dans le même tour. Il va y avoir dans quelque temps une quasi égalité des armes, et ce qui fera la différence c’est l’ambition, la détermination. »
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