Il est arrivé le dernier en conférence de presse, visiblement vidé, lessivé, tout habillé de noir, avec un brassard de deuil sur le bras gauche. Et il a longuement parlé de Niki Lauda…
Lewis a choisi ses mots, il était tête nue, il ne s’abritait pas sous une casquette aux couleurs de son équipe. Lewis était en deuil mais il venait de terminer en tête d’une séance de qualification à suspense, une de plus, alors il a souhaité faire de sa 85e pole position en F1, mais la deuxième seulement en Principauté, un hommage à Niki Lauda.
Sur la Mercedes de Lewis, le seigneur de la F1, le Fangio des temps modernes (cinq titres chacun), il y avait samedi un halo tout rouge, avec cette inscription très sobre: « Niki, tu nous manques ». Tout le monde l’a vue, à la télévision.
Et pour la première fois cette semaine, Lewis a parlé à la presse de cette disparition brutale du triple champion du monde autrichien, à 70 ans seulement: « C’est une semaine très dure, pour toute notre équipe. Mercredi, tout le monde postait des hommages, des photos, sur les réseaux sociaux, et je ne me sentais pas de parler, Toto (Wolff) non plus. Alors cette pole veut dire beaucoup pour nous tous, il a fallu aller la chercher tous ensemble, au plus profond de nous-même ».
« Ma voiture n’était pas aussi facile à piloter qu’hier en essais libres. C’était un peu comme tenter de tenir un taureau par les cornes, et je dois avouer que j’ai failli perdre le contrôle, j’ai dû toucher deux fois le rail dans mon dernier tour lancé »
« Je me suis battu, car Niki nous disait toujours de tout donner, de ne rien regretter, pour réussir quelque chose de spécial. C’était un vrai combattant. Mais je n’ai pas réussi ce tour parfait que j’espérais, sur cette piste si difficile qui ne m’a pas souvent réussi par le passé ».
C’est vrai, Lewis n’a pas souvent brillé à Monaco: deux victoires « seulement », en 2008 (chez McLaren) et 2016, et deux pole positions (2015 et 2019). Mais six podiums en tout, quand même.
Lewis avait envie de parler de Niki, alors il a continué, et ça valait le déplacement, car c’était sincère, comme souvent chez cette bête de communication qui fascine les fans: « Cette semaine, je me suis souvenu de son premier coup de fil, quand il a commencé à me parler du projet Mercedes. »
« Ross Brawn a été très persuasif, mais c’est Niki qui m’a convaincu. Il a participé au processus de changement de ma vie: sans lui, je serais encore chez McLaren, avec un titre mondial et une vingtaine de victoires à mon palmarès »
« Il a vraiment été mon ‘partner in crime’ (NDLR: un peu comme dans une association de malfaiteurs, mais en plus positif). Niki cherchait toujours à négocier des améliorations sur la voiture, à se demander ce qu’on pouvait faire de mieux, puis il allait à l’usine pour montrer ses muscles, comme il avait l’habitude de plaisanter ». Lewis a parlé de Niki Lauda et les bon souvenirs sont remontés à la surface, comme souvent quand on est en deuil.
« Pendant ces huit derniers mois, j’ai souvent été en contact avec lui, au téléphone. On s’envoyait des vidéos. Il y a des jours où il allait mieux, où il se sentait à nouveau d’attaque, et d’autres où ça allait moins bien. »
« Mais je sais qu’il aurait apprécié notre séance de qualification aujourd’hui, et que demain (dimanche) on va essayer de réussir quelque chose de spécial ». Lewis n’a pas ajouté « pour Niki », mais il l’a pensé très fort. Et tout le monde a compris.