Le président de la FIA aurait fait pression pour refuser sa licence à Las Vegas

5 mars 2024
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Le président de la FIA, Mohammed Ben Sulayem (à droite) en discussion avec Christian Horner

Au lendemain des révélations de la BBC, qui a indiqué que le président de la FIA, Mohammed Ben Sulayem, faisait l’objet d’une enquête interne pour une ingérence présumée dans les résultats du Grand Prix d’Arabie Saoudite 2023, voilà que le même média rapporte aujourd’hui que Ben Sulayem aurait demandé aux personnes compétentes de ne pas homologuer le circuit de Las Vegas l’an dernier.

Cette révélation émane du même lanceur d’alerte qui a accusé le président de la FIA d’avoir prétendument demandé aux commissaires du Grand Prix d’Arabie Saoudite 2023 d’annuler la pénalité de dix secondes infligée au pilote Aston Martin Fernando Alonso (lire cet article pour mieux comprendre).

Le lanceur d’alerte, dont l’identité est gardée secrète, affirme dans un rapport consulté par la BBC « qu’a la demande du président de la FIA » il a été demandé de trouver un moyen pour ne pas homologuer le circuit urbain de Las Vegas en 2023 lorsque la Formule 1 a signé son grand retour dans le Nevada après plusieurs décennies d’absence. 

Dans ce rapport du responsable de la conformité de la FIA adressé à son comité d’éthique, le lanceur d’alerte aurait déclaré que « le but était de trouver des défauts à la piste afin de refuser la licence », ce qui aurait alors empêché les Formule 1 de rouler sur ce tracé. Le lanceur d’alerte poursuit en indiquant que « les problèmes sur le circuit étaient censés être identifiés artificiellement indépendamment de leur existence réelle, dans le but ultime de retirer la licence. »

Le lanceur d’alerte a également déclaré avoir chargé un responsable d’accomplir cette tâche et a nommé deux autres responsables qui se trouvaient dans la salle à ce moment-là. Le rapport ajoute que les officiels n’ont pas pu trouver de problème avec le circuit et ont donc certifié le circuit apte à la course.

On se souvient que lors de ce premier Grand Prix de Las Vegas une plaque d’égout s’est détachée sur la piste lors de la première séance d’essais libres et que cette dernière a été percutée par la Ferrari de Carlos Sainz. Fort heureusement, aucun blessé n’était à déplorer ce jour-là, mais les dégâts sur la monoplace de l’Espagnol étaient importants et témoignaient de la violence du choc. Il est cependant impossible de faire un parallèle entre cet incident et les révélations du lanceur d’alerte.

Le torchon brûle entre F1 et FIA…

Ce qui est sûr, c’est que les relations entre la F1 et la FIA n’ont jamais été aussi tendues que depuis l’an dernier. Des tensions qui ont commencé à éclater au grand jour lorsque le président de la FIA s’est permis de féliciter publiquement le rapprochement entre Andretti et General Motors en déclarant : « Les nouvelles d’aujourd’hui en provenance des États-Unis sont une preuve supplémentaire de la popularité et de la croissance du championnat du monde de Formule 1. »

« C’est particulièrement agréable d’avoir l’intérêt de deux marques emblématiques telles que General Motors Cadillac et Andretti Global. La FIA attend avec impatience de nouvelles discussions sur le processus de manifestation d’intérêt. »

Dans la foulée de cette déclaration de Ben Sulayem, la Formule 1 a elle aussi publié un court communiqué dans lequel on pouvait lire : « Nous voulons tous nous assurer que le championnat reste crédible et stable et toute demande de nouveau participant sera évaluée sur des critères permettant d’atteindre ces objectifs par toutes les parties prenantes concernées. Toute demande de nouvel entrant nécessite l’accord de la FIA et de la F1. »

Quelques mois plus tard, la F1 a finalement décidé de rejeter la candidature d’Andretti. La FOM (Formula One Management) a en effet indiqué que l’arrivée d’une onzième équipe sur la grille « n’apporterait pas, en soi, de valeur au championnat. »

« La meilleure manière pour un nouvel entrant d’apporter de la valeur est d’être compétitif. Nous ne croyons pas que le demandeur serait un participant compétitif. »

Autre exemple d’une tension grandissante entre F1 et FIA, les détenteurs des droits commerciaux de la Formule 1 n’ont visiblement pas beaucoup apprécié la sortie du président de la FIA sur les réseaux sociaux en début d’année 2023, qui appelait – en réponse à des rumeurs de rachat – tout acheteur potentiel de la F1 à faire preuve de « bon sens », ce qui peut être considéré comme de l’ingérence.

En 2023, le média Bloomberg a rapporté que l’Arabie Saoudite – par le biais du Fonds d’Investissement Public Saoudien – et présidé par le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman, avait déposé une offre de 20 milliards de dollars aux actuels propriétaires de la Formule 1 Liberty Media pour reprendre les droits commerciaux de la catégorie reine du sport automobile.

Mais dans un message posté sur les réseaux sociaux, le président de la FIA, Mohammed Ben Sulayem, n’a pas hésité à dire que cette somme était « prétendument gonflée » et a invité tout acheteur potentiel à faire preuve de « bon sens » : « En tant que gardiens du sport automobile, la FIA, en tant qu’organisation à but non lucratif, se méfie des sommes prétendument gonflées de 20 milliards de dollars pour la F1. »

« Il est conseillé à tout acheteur potentiel de faire preuve de bon sens, de considérer le plus grand bien du sport et de proposer un plan clair et durable – pas seulement beaucoup d’argent. »

« Il est de notre devoir de considérer quel sera l’impact futur pour les promoteurs en termes d’augmentation des frais d’hôtes et d’autres coûts commerciaux et tout impact négatif que cela pourrait avoir sur les fans. »

A la suite de ces commentaires, la Formule 1 a envoyé une lettre adressée à la FIA dans laquelle il était indiqué que les remarques de Ben Sulayem « outrepassent à la fois les limites à la fois du mandat de la FIA et de ses droits contractuels. »

La lettre indiquait également qu’en vertu de son contrat, la F1 « a le droit exclusif d’exploiter les droits commerciaux du Championnat du Monde de F1 de la FIA » et que « la FIA s’est engagée sans équivoque à ne rien faire qui puisse porter atteinte à la propriété, à la gestion et/ou à l’exploitation de ces droits. »

Il était également souligné que les remarques de Mohammed Ben Sulayem « faites à partir du compte officiel du président de la FIA sur les réseaux sociaux, interfèrent avec nos droits de manière inacceptable. »

« Les circonstances dans lesquelles la FIA jouerait un rôle dans un changement de contrôle du groupe F1 sont très limitées. Toute suggestion ou implication contraire, ou que tout acheteur potentiel de l’activité F1 est tenu de consulter la FIA, est erroné. »

« Tout commentaire sur la valeur d’une entité cotée, en particulier en prétendant ou en impliquant la possession de connaissances privilégiées ce faisant, risque de causer des dommages substantiels aux actionnaires et investisseurs de cette entité, sans parler de l’exposition potentielle à de graves conséquences réglementaires. »

« Dans la mesure où ces commentaires nuisent à la valeur de Liberty Media Corporation, la FIA peut en être tenue responsable. La F1 et Liberty Media espèrent et sont convaincus qu’il ne sera pas nécessaire d’aborder à nouveau ce problème. »

Pour rappel, la FIA est tenue de rester à l’écart des questions commerciales au sein de la F1 par un accord conclu avec la Commission Européenne il y a plus de 20 ans.

Si jamais il est avéré que le président de la FIA a effectivement demandé à ce que le circuit de Las Vegas ne reçoive pas sa licence en raison d’un prétexte artificiel, la Formule 1 pourrait alors se retourner contre la FIA…

Mise à jour à 19h15 le 05 mars 2024 : à la suite des révélations de la BBC, la FIA a confirmé que son responsable de la conformité avait « reçu un rapport détaillant des allégations potentielles impliquant certains membres de ses instances dirigeantes. »

L’instance dirigeante a également ajouté qu’elle « évalue ces préoccupations afin de garantir que la procédure régulière est méticuleusement suivie. »

2 Comments

  1. Dommage que ça n’ait pas fonctionné… On aurait pas eu à se farcir cette purge de circuit pour Mickey.

  2. « Il est cependant impossible de faire un parallèle entre cet incident et les révélations du lanceur d’alerte. »

    Mais vous le faites par la tournure de cette phrase ! Il était tout autant possible de s’interroger sur la dangerosité réelle de ce circuit, éventuellement masquée par les inspecteurs, que de laisser planer le doute sur un potentiel sabotage au lien non établi.

    « Lanceur d’alerte » n’est pas une certification avec badge de probité. Dans l’ancien temps, cela s’appelait la lettre d’un corbeau.

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Cesare Ingrassia

Cesare Ingrassia est le directeur de la publication du site d'actualités sur la Formule 1, F1only.fr et du site La Chaine Renault. Véritable passionné, Cesare Ingrassia est accrédité par la FIA et la F1 et se déplace de paddock en paddock pour vous offrir une couverture totale de chaque événement tout au long de la saison.