Technique F1 : l’Aston Martin AMR21 à la loupe

4 mars 2021

Aston Martin a enfin présenté sa monoplace pour la saison 2021, la AMR21, une monoplace à la couleur vert foncé apportant une touche « British » à la nouvelle équipe de Lawrence Stroll.

D’un point de vue technique, Aston Martin ne semble pas craindre les regards indiscrets, puisque l’écurie a publié des clichés de sa nouvelle monoplace et qui permettent une analyse technique détallée de cette F1 que nous verrons en piste à Bahreïn pour le début de la saison.

Un nouveau copygate ?

Après le cas du copygate de l’année dernière (les écopes de frein de la Racing Point issues de la Mercedes de 2019), le risque d’avoir à nouveau la même polémique au cours de la saison 2021 ne doit pas être écarté en raison des ressemblances entre la Mercedes de 2020 et l’Aston Martin AMR21.

Malgré la polémique et les sanctions conséquentes au championnat constructeurs pour Racing Point l’an dernier (des points perdus et 400 000 euros d’amende), le gel des règlements entre 2020 et 2021 permet à la nouvelle Aston Martin AMR21 de reprendre divers concepts techniques introduits par Mercedes sur sa W11 l’an dernier.

La RP20 étant déjà une copie de base de la Mercedes W10 de 2019, Andrew Green (directeur technique de l’équipe Aston Martin) n’a jamais caché que le développement de la AMR21 serait fidèle à la ligne technique vue en 2020 sur la Mercedes W11.

En outre, encore une fois en raison du gel de la règlementation, Aston Martin a pu mettre en œuvre la suspension arrière de la Mercedes W11 sans dépenser les deux fameux jetons de développement, grâce à l’exemption accordée par la FIA à des équipes comme Alpha Tauri, Aston Martin et Haas, qui peuvent adopter des solutions homologuées en 2020 par les constructeurs afin de ne pas concourir en 2021 avec des composants vieux de deux ans.

Le choix logique d’Aston Martin a donc été de développer une monoplace « d’inspiration Mercedes », puisque ayant déjà vu comment l’équipe de Brackley a réussi à faire évoluer la W10 vers la W11, il n’y avait aucune raison pour Aston Martin d’improviser une nouvelle route de développement pour sa AMR21. A partir de la saison 2022 en revanche, toutes les équipes partiront d’une feuille blanche et (vraisemblablement) les copies seront interdites.

Cependant, par rapport à 2020, Aston Martin a tout de même eu sa propre vision dans certains domaines de sa voiture 2021 et a dû expérimenter des solutions aérodynamiques « artisanales » parmi lesquelles on peut retrouver l’interprétation des nouvelles contraintes aérodynamiques imposées sur le fond plat et le diffuseur. Il est donc temps d’analyser en détail cette nouvelle Aston Martin AMR21.

Zone avant

L’avant de l’AMR21 présente plusieurs raffinements aérodynamiques qui différent (quoique légèrement) des solutions présentes sur la Mercedes W11 de l’an dernier et qui sont en fait une évolution de l’ancienne Racing Point RP20.

Le nez, qui est resté avec la structure d’impact approuvée l’année dernière, reste assez fidèle aux lignes aérodynamiques de la RP20 mais avec des subtilités dans la zone terminale de la cape (sous le nez).

L’aileron avant lui semble suivre une philosophie intermédiaire entre la gestion du flux d’air « in-watch » et « out-watch » et ne diffère pas beaucoup de la dernière spécification aperçue en dernier sur la Racing Point RP20.

Dans le détail, le dernier flap situé tout en haut de l’aileron est plus court et n’atteint pas 250mm d’empattement à partir de la ligne médiane de la monoplace. Cependant, toujours sur ce dernier flap, la zone la plus extrême offre une descente puissante pour accentuer l’effet « out-wash » de l’air (flèche). La plaque d’extrémité de l’aileron avant elle n’a pas subi de modifications majeures par rapport à l’ancienne monoplace.

La suspension avant quant à elle n’a pas été particulièrement revue cette année et conserve un schéma classique avec double triangles et tige de poussée.

Les écopes de frein (objet de la polémique l’an dernier) sont une évolution directe de celles de la RP20, modifiées à la mi saison 2020, et qui présente une classique forme en « L inversé ».

Nouveau châssis (deux jetons)

Avant même la présentation de la AMR21, Aston Martin avait déjà indiqué qu’elle allait dépenser ses deux jetons de développement pour un nouveau châssis approuvé avec un nouveau cône anti-encastrement.

Andrew Green a été très doué pour éplucher la nouvelle réglementation et identifier dans quels domaines intervenir sur l’ancienne RP20 et pour essayer de rester le plus fidèle à ce qu’était l’ancienne Mercedes W11.

La RP20 avait toujours une solution ancienne avec les prises d’air de radiateurs placées sous le cône anti-encastrement, tout comme la Mercedes W10 de 2019.

Mais en 2020 l’équipe de Brackley a mis à jour sa monoplace s’adaptant à la tendance introduite par Ferrari et Red Bull entre 2017 et 2018, et en déplaçant les entrées d’air des radiateurs au dessus du cône anti-encastrement afin de pouvoir canaliser le flux d’air sur la partie inférieure des côtés.

Cependant, l’homologation obligatoire, et le gel consécutif du châssis, n’auraient pas permis à l’équipe d’Andrew Green de passer à la nouvelle configuration sans homologuer une nouvelle cellule de survie en utilisant les deux jetons de développement et c’est ce qu’il s’est passé sur l’AMR21.

Les entrées d’air des radiateurs sont désormais situées au dessus de la structure d’impact, comme on peut le voir sur l’image de face (structure d’impact surlignée en jaune).

L’homologation de la nouvelle cellule de survie ne concerne pas l’ensemble du châssis, mais uniquement la partie où se trouve le pilote. L’homologation d’un nouveau châssis entièrement produit à partir de zéro n’est pas possible en terme de règlementation, car plus de deux jetons seraient nécessaires. L’approbation prévoyait également un nouveau test de collision.

Bargeboards

Les bargeboards sont certainement la partie aérodynamique la plus indépendante de la solution Mercedes, et sont un développement direct de la version 2020 de la RP20.

Dans l’image ci-dessous, nous avons indiqué avec des flèches tous les nouveaux éléments par rapport à l’ancienne spécification, et sur lesquels la modification de la charpente a abouti à la révision de la gestion de l’écoulement de l’air le long des bargeboards.

La conception des éléments aérodynamiques est vraiment intéressante, et c’est un chef-d’œuvre d’ingénierie qui comprend toute une forêt complexe de convoyeurs de flux en carbone et de générateurs de vortex, qui préparent le flux qui traversera la carrosserie jusqu’à l’arrière.

Carrosserie serrée style Mercedes

La zone où est située la même mécanique que l’équipe du constructeur allemand présente de nombreuses « similitudes » avec la philosophie de la Mercedes W12: la carrosserie très serrée enveloppe l’unité de puissance. Il y a également sur le capot moteur une bosse qui attire immédiatement le regard et qui est de forme ovale en raison des dimensions du refroidisseur intermédiaire.

Comme sur  la Mercedes W12 de la saison 2021 présentée cette semaine, les côtés de l’Aston Martin suggèrent également à quel point le moteur Mercedes a été conçu pour rendre la carrosserie aussi épurée et étroite que possible dans la zone « Coca-Cola ».

Ce qui est le plus surprenant sur l’AMR21, c’est l’effet coanda sur les flancs de la monoplace   assez différents que ceux utilisés l’année dernière sur la Racing Point RP20 au Grand Prix de Toscane sur le circuit du Mugello où de nouveaux flancs étaient apparus.

Cette solution a été maintenue tout au long de la seconde partie de la saison 2020 et a dû passer par l’approbation d’un nouveau système de refroidissement en vue de 2021, justement pour adapter cet effet coanda sur les flancs.

Sur l’Aston Martin, Andrew Green a voulu une fois de plus adopter les directives aérodynamiques de Mercedes pour ne pas avoir à redessiner des composants trop différents par rapport à la W11.

Dérives verticales du fond plat et suspension arrière

L’Aston Martin est peut-être la seule monoplace présentée dans une version « show car » et qui adopte une solution interessante sur le fond plat, qui est loin d’être caché comme sur les autres monoplaces déjà présentées.

Dans la zone centrale et terminale, il est possible d’observer plusieurs déviateurs d’écoulement verticaux, qui ont la tâche de déplacer le flux d’air autant que possible à l’extérieur de la roue arrière, afin de réduire autant que possible le phénomène de giclée du pneu.

Avec des flèches, nous avons indiqué tous ces éléments présents sur le bas de l’Aston Martin et qui tentent pour minimiser l’impact qu’aura la coupe diagonale du fond plat sur l’appui global de la voiture.

Comme expliqué au début de l’analyse, Aston Martin a choisi d’utiliser la suspension arrière de la W11, avec le bras de convergence fixé à la structure d’impact arrière (et non à la boîte de vitesses) pour maximiser l’efficacité du diffuseur.

Mercedes a étonné l’année dernière par l’adoption de cette solution, car elle a pu exploiter la mécanique de manière extrême à des fins aérodynamiques. Plus précisément, le bras de convergence recrée une sorte de second difuseur en formant un canal pour le flux d’air juste entre le bras et la partie supérieure de l’extracteur.

L’illustration ci-dessous met en évidence la disposition de la suspension sur la Mercedes W11 de 2020 avec la barre qui adhère à la structure d’impact arrière.

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Rosario Giuliana

Rosario Giuliana est un illustrateur technique spécialisé en F1 et produit des analyses techniques depuis 2018.

Rosario Giuliana travaille avec F1only.fr, mais est également rédacteur en chef de Motorsportweek et MotorsportMonday.

Rosario a aussi collaboré avec le magazine officiel de la F1 et le groupe Motorpresse (Auto motor und sport / Sport Auto en Allemagne)