Comment Mercedes s’est améliorée lors des dernières courses

23 novembre 2021
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2021 Qatar Grand Prix, Friday - LAT Images

L’équipe Mercedes a dominé deux courses sur trois lors de cette triplette de courses au mois de novembre, au cours de laquelle Lewis  Hamilton a réduit son écart sur Max Verstappen au championnat du monde après un douloureux GP du Mexique pour Mercedes. L’équipe de Brackley semble avoir retrouvé de la vitesse après la course sur le circuit Hermanos Rodriguez, montrant au Qatar, et surtout au Brésil, une suprématie sur son rival Red Bull.

Sur le plan technique, au cours des dernières courses, il n’y a pas eu de mises à jour majeures sur la W12, ni sur les autres voitures de la grille d’ailleurs (hormis Ferrari qui a introduit un nouveau système hybride). Dans cette phase finale de ce très long championnat 2021, toutes les équipes sont désormais concentrées sur la conception et le développement de la monoplace 2022, saison au cours de laquelle les équipes repartiront d’une feuille blanche. Au-delà du Mexique, où les pronostics privilégiaient clairement la RB16B de Red Bull pour le tracé, au Brésil et au Qatar Mercedes a dominé les qualifications et la course avec Lewis Hamilton. Mais comment expliquer ce bon en avant en termes de performances de la part de l’écurie de Brackley au cours de ces dernières courses ?

Cette année, le duel Mercedes et Red Bull a toujours été très équilibré. Il a toujours été difficile cette saison de pouvoir deviner qui pourrait mieux performer entre Mercedes et Red Bull, précisément à cause de l’équilibre des forces entre la W12 et la RB16B. Cependant, au Brésil, la W12 semble a fait un bond en avant important, qui ne semble pas imputable uniquement à des circuits plus favorables à Mercedes.

Des améliorations aéro dès Silverstone

Tout d’abord, il faut considérer que la progression de cette W12 part de loin, c’est-à-dire du GP de Grande-Bretagne à Silverstone, puisque Mercedes a forcé le développement de sa monoplace au début de l’été, après avoir compris les problèmes qui ont « ralenti » la W12 dans la première phase de la saison. Les aérodynamiciens de Brackley pour leur GP à domicile ont apporté des innovations aérodynamiques très importantes dans toute la zone centrale de la monoplace, modifiant considérablement la disposition des barges-board et du fond plat.

La Mercedes W12 a plus souffert que la Red Bull du rétrécissement imposé à l’arrière du fond plat par la règlementation cette année, en raison de la configuration de Rake [hauteur de caisse à l’arrière] à angle faible. L’équilibre a donc été touché, avec une W12 très instable à l’arrière, ce qui s’est vu dès les premiers roulages aux essais hivernaux de Bahreïn en début d’année. Le bord latéral du fond plat ondulé qui caractérisait la Mercedes début 2021 a en effet disparu depuis Silverstone au profit d’un nouveau fond plat avec une forme plus rectiligne et une série de générateurs de vortex conçus pour mieux gérer le flux d’air à l’arrière.

Le vrai progrès en termes d’équilibre aérodynamique concernant la W12 est donc à attribuer aux innovations introduites au Grand Prix de Grande-Bretagne, et dès lors, Mercedes est toujours restée au niveau de la Red Bull de Max Verstappen.

Après le Grand Prix du Mexique remporté par Verstappen, sur une piste « limitée à l’arrière » sur laquelle Mercedes a plus souffert par rapport à Red Bull – en plus de difficultés à pouvoir avoir de la vitesse dans les virages lents et à gérer les pneus – l’équipe de Toto Wolff a décidé de mettre en œuvre une stratégie plus agressive pour la manche suivante au Brésil, en montant le cinquième moteur à combustion interne sur la voiture numéro 44 de Lewis Hamilton.

Des cartographies moteur plus agressives

Côté moteur à partir du Brésil, il a été décidé chez Mercedes d’être plus agressif dans la cartographie à utiliser en qualifications et en course, même au détriment d’une  « plage de sécurité » ce qui peut engendrer des problèmes de fiabilité. Avec la suppression du « Party Mode » à partir de Monza 2020, la cartographie endothermique à utiliser en qualifications et en course doit être unique, sans possibilité d’aller plus bas ou plus haut avec la puissance. Les équipes optent donc pour des stratégies moteurs qui sont un compromis entre fiabilité et puissance en fonction de la piste. Lors des dernières courses, Mercedes a décidé d’implémenter des cartographies moteur plus puissantes, et on a vu comment le kilométrage des moteurs thermiques a diminué, Valtteri Bottas détenant même le record de la grille avec déjà six moteurs neufs utilisés depuis le début de la saison. Le Finlandais a d’ailleurs dû abandonner précisément au Qatar le week-end dernier en raison de problèmes liés à la surchauffe de son moteur.

Le groupe motopropulseur Mercedes se caractérise par l’utilisation d’une unité turbine-compresseur très miniaturisée [downsizing] qui était supposée être fortement sollicitée avec une densité d’air plus faible au Mexique sur un circuit situé à plus de 2000 mètres d’altitude. En revanche, à Sao Paulo, le Grand Prix se déroulait à une altitude de 800 m au-dessus du niveau de la mer (mais bien loin des plus de 2000 m de Mexico). Dans ces conditions, un effort accru est également demandé au générateur de moteur électrique MGU-H, qui est calé  directement sur l’arbre interposé entre le compresseur et la turbine.

L’utilisation d’un moteur neuf pour Lewis Hamilton à Interlagos était un choix judicieux de l’équipe de Brackley, car la puissance supplémentaire était clairement visible contre Red Bull-Honda. Mercedes, sur le moteur de Lewis Hamilton au Brésil, a décidé d’aller encore plus haut avec les cartographies, atteignant près de 20 CV supplémentaires par rapport à l’ancienne unité de puissance utilisée. Les différences de performances avec son coéquipier Bottas, qui a couru avec une unité de puissance plus ancienne au Brésil, étaient évidentes en qualifications et en course. Par rapport à la Red Bull de Verstappen, l’écart ouvert par Hamilton au Brésil était vraiment impressionnant (plus de 4 dixièmes de secondes), notamment en qualifications sur une piste très courte où l’on fait un tour en un peu plus d’une minute.

Mercedes a fait la différence non pas en vitesse de pointe, mais en accélération. Le choix d’un nouveau moteur est très valorisant sur les circuits où vous courez avec une incidence élevée dans les ailerons, où plus de résistance à l’air est générée. Le Mexique, le Brésil et le Qatar ont été courus avec l’incidence la plus élevée [c’est à dire beaucoup d’appuis], à l’exception de Red Bull à Interlagos.

Les performances vues à Losail au Qatar étaient plus nivelées qu’une semaine auparavant, et l’écart avec Red Bull n’était certainement pas celui du Brésil. La puissance excessive dans les lignes droites de la Mercedes n’était plus visible, mais dans les virages, la W12 a réussi à donner des maux de tête à Red Bull. Lewis Hamilton courait au Qatar avec le moteur qu’il utilisait avant le Brésil [le moteur 4] et les vitesses enregistrées par la W12 au cours du week-end n’étaient pas sensationnelles sur le tracé de Losail.

La vraie différence au Qatar est que la W12 a bien performé dans les virages à moyenne et haute vitesse qui conviennent parfaitement à la voiture de Hamilton et Bottas, notamment grâce à son empattement plus long que la Red Bull. La piste du Qatar est classique et est plutôt limitée à l’avant, ce qui fait que les pneumatiques avant sont les plus sollicités. Mercedes a fait la différence dans le secteur central, dans les virages rapides 6-7-8, tandis que Red Bull n’a pas pu utiliser la configuration optimale en raison de problèmes avec le système de DRS sur la monoplace de Verstappen tout au long du week-end.

Red Bull proteste sur l’aileron de Mercedes

Au brésil, les vitesses enregistrées par Mercedes dans les lignes droites ont déclenché les protestations de l’équipe rivale Red Bull, avec Christian Horner qui a ouvertement déclaré avoir des soupçons sur la légalité de l’aileron arrière de la W12. L’équipe de Milton Keynes mène une guerre psychologique et technique avec l’équipe de Toto Wolff, et la controverse n’a pas manqué après l’exclusion de Hamilton de la séance de qualifications de la course Sprint au Brésil en raison d’une infraction à la règlementation technique avec le DRS de sa monoplace.

Pour rappel, les protestations de Red Bull se sont initialement concentrées sur la suspension arrière de la W12 après le GP de Turquie, tandis que plus tard, l’accent s’est entièrement tourné vers la flexibilité de l’aileron arrière. Red Bull prétend garder un œil sur l’aileron arrière de la Mercedes depuis la Hongrie, contestant le fait que le profil principal va se replier vers l’arrière à grande vitesse. Adrian Newey, directeur technique de Red Bull, a d’ailleurs montré à la FIA quelques photos encadrant la partie arrière du profil principal, dans laquelle il y a quelques traces de frottement avec le support des flasques, ce qui  témoignerait du mouvement vers l’arrière. Cette prétendue flexion rendrait l’aileron arrière de la Mercedes non conforme à l’article 3.6.3 du règlement technique qui impose un écart maximum entre les profils avec un DRS fermé de 15 mm.

Le recul du profil principal écarterait les profils au-delà des 15mm maximum autorisés par la réglementation lorsque la voiture roule à des vitesses supérieures à 200km/h. Cela produirait des avantages en termes de réduction de la traînée et expliquerait, selon Red Bull, les anomalies de vitesse détectées par l’équipe de Milton Keynes.

Cependant, l’aileron arrière de la W12 semble en ordre lorsque la voiture est à l’arrêt lors des vérifications techniques, hormis ce petit accroc au Brésil [voir tous les détails ici]. Dans ce cas, cependant, le problème concernait le dépassement de l’écart maximum de 85 mm avec le DRS ouvert, en raison d’un jeu excessif dans les fixations du volet mobile.

Pour satisfaire Red Bull, nous avons appris que la FIA a réalisé un nouveau « stress test » sur le plan principal de la W12, en appliquant une paire de poids de 35kg de part et d’autre. Déjà au GP de France, la FIA avait resserré les contrôles de flexion des ailerons arrière, obligeant de nombreuses équipes à renforcer les structures porteuses de l’aileron. L’aileron de la Mercedes était cependant conforme au règlement au Qatar le week-end dernier, mais cela n’a pas levé les doutes et les incertitudes de Christian Horner et Adrian Newey. Nous verrons donc si pour les deux dernières courses de la saison (Arabie Saoudite et Abou Dhabi) la FIA mettra en place de nouveaux tests de flexion aux vérifications techniques ou si tout sera reporté à 2022.

Avant le Grand Prix d’Arabie Saoudite (du 3 au 5 décembre), Max Verstappen est toujours leader du championnat du monde des pilotes avec huit points d’avance sur Lewis Hamilton, tandis que Mercedes a cinq points d’avance sur Red Bull Racing au championnat des constructeurs.

Classement pilotes F1 2021

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9 Comments Laisser un commentaire

  1. Zorro, j’ai lu l’article sur Jacky, (Bon article) mais pour penser comme lui il faut avoir 70ans, il comprend pas le changement de trajectoires, les dépassements à l’extérieur mais ça peut se comprendre les pilotes mourraient sur la piste de son époque, après il est quasi certain que V.Max va gagner parce qu’il est plus jeune que Lewis; Fangio a plus de 40 ans battait tous les plus jeunes que lui. Après il comprend pas non plus les grosses amendes, pourtant ça fait longtemps que la F1 est une machine à fric.Surement un déphasage avec notre époque,Ickx c’était il y a 50 ans. Dans tout les cas,
    Bravo d’affirmer et de defendre ton opinion, je la respecte.cdt.

  2. Red bull et surtout Vestapen sont de très mauvais joueurs on la bien vue lors de l accrochage quand Vestapen est monté sur la F1 de Hamilton ce n était soit disant pas de sa faute et il n’a pas été sanctionné

  3. Ne nous gargarisons point des performances des Mercedes mais écoutons le point de vue de Jacky Ickx sur les dérive institutionnelles dans les règles déontologiques de la F1 de nos jours…Ce sont des propos d’une grande sagesse!!!

  4. D’après cet article, l’aileron étant conforme, on peut supposer aisément que c’est bien le moteur qui change et plus particulièrement le moteur électrique MGU-H qui à était poussé à son maximum pour une grosse vingtaine de chevaux en plus, 20cv à ce niveau de perf c’est un océan.

  5. Pour résumer, Horner est convaincu que Mercedes triche avec son aileron, Christian Horner ne parle pas des 20 CV de plus du moto propulseur d’Hamilton qui semble bien être « seule « responsable des victoires faciles récentes de Lewis , seul Helmut, reconnaît juste que Mercedes a construit une fusée. Pas clair cette histoire…

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Rosario Giuliana

Rosario Giuliana est un illustrateur technique spécialisé en F1 et produit des analyses techniques depuis 2018.

Rosario Giuliana travaille avec F1only.fr, mais est également rédacteur en chef de Motorsportweek et MotorsportMonday.

Rosario a aussi collaboré avec le magazine officiel de la F1 et le groupe Motorpresse (Auto motor und sport / Sport Auto en Allemagne)