Pat Fry regrette le manque de soutien de la direction chez Alpine F1

Le nouveau directeur technique de l’équipe Williams, Pat Fry, est revenu sur les circonstances de son départ de chez Alpine en 2023, le Britannique expliquant qu’il n’avait pas eu le soutien nécéssaire de la part de la direction du groupe Renault à l’époque pour mener à bien son projet au sein de l’écurie du constructeur français.

Pat Fry a commencé son voyage en Formule 1 en 1987 et, depuis lors, il a occupé des postes d’ingénieur senior dans certaines des équipes les plus prestigieuses du sport, notamment McLaren et Ferrari. Tout au long de sa carrière, Pat Fry a joué un rôle central dans la réalisation de nombreux succès et a contribué à de multiples victoires en course et en championnat.

Pendant son séjour chez McLaren, qui a duré 17 ans, Fry a apporté une contribution significative au succès de l’équipe. Il a joué un rôle déterminant dans l’obtention de 66 victoires en Grand Prix, d’une victoire au championnat des constructeurs et de trois championnats des pilotes.

En 2010, Pat Fry a entamé un nouveau chapitre de sa carrière en rejoignant Ferrari en tant que directeur technique adjoint. Au fil des ans, il a assumé des rôles cruciaux tels que responsable de l’ingénierie des pistes de course, directeur du châssis et directeur de l’ingénierie au sein de l’équipe basée à Maranello.

Après une courte pause, Pat Fry est revenu en Formule 1 en 2016 en tant que consultant en ingénierie pour Manor Racing avant de rejoindre temporairement McLaren en tant que directeur de l’ingénierie sur une base contractuelle en 2018. Son sens technique et son leadership ont contribué à la remarquable quatrième place de McLaren dans la bataille des constructeurs.

En février 2020, Pat Fry a rejoint l’équipe Alpine F1 en tant que directeur technique du châssis, puis a assumé le poste de directeur technique en février 2022. À ce titre, il a supervisé toutes les activités techniques de l’équipe basée à Enstone et a contribué à guider Alpine jusqu’à la quatrième place au championnat du monde des constructeurs en 2022.

Mais en 2023, Pat Fry a pris la décision de quitter Alpine pour rejoindre Williams, le Britannique expliquant que la direction de Renault (à qui appartient Alpine) ne lui a pas laissé suffisamment de temps pour mener à bien son projet qui était de faire d’Alpine une équipe gagnante en Formule 1.

« Les trois premières années ont été formidables, tout le monde à Enstone devrait être fier de ce que nous avons réussi à réaliser. » explique Fry dans un entretien accordé au site de la Formule 1.

« Nous étions cinquième, mais année après année, nous avons conçu et développé une meilleure voiture et nous avons terminé à la quatrième place [en 2022]. Je voulais faire plus, je voulais finir par bâtir une autre équipe gagnante. Mais nous n’étions pas vraiment assez engagés pour dépasser la quatrième place. »

« Nous aurions pu dire que nous pouvions le faire, mais nous n’avons jamais eu l’adhésion de la direction pour aller plus loin, alors en mars [2023], j’ai décidé que j’étais allé aussi loin que possible et que je chercherais autre chose. James [Vowles, Team Principal de Williams, ndlr] me harcelait depuis un moment et c’est une opportunité fantastique. »

L’arrivé chez Williams

Pat Fry Williams
Le directeur technique de Williams, Pat Fry

Après avoir quitté Alpine en juillet 2023, Pat Fry a observé une période de jardinage obligatoire, ce qui veut dire qu’il n’a pas pu rejoindre Williams avant le mois de novembre 2023. Lors des deux derniers mois de l’année 2023, Fry a d’abord fait un « état des lieux » de sa nouvelle équipe, avant de commencer à mettre en place des changements.

« J’ai essayé de comprendre comment nous travaillons, ce qui est nécéssaire et dans quoi nous excellons. » a expliqué Fry à propos de ses premiers travaux chez Williams.

« Certaines choses sont meilleures que là où j’ai été et il y a certaines choses, enfin pas mal de choses, que nous devons corriger et comprendre. Mais il s’agit avant tout d’essayer de construire ces premières impressions, puis d’essayer de fixer un objectif global pour l’équipe. »

« J’essaie toujours d’écrire autant que possible au cours des deux premières semaines suivant mes premières impressions. Souvent, quand on creuse, la première impression est la bonne mais je dois comprendre les raisons pour lesquelles cela s’est produit. Je peux facilement énumérer cinq, 10, 20, 30 choses qui ne sont pas bonnes. »

« Ensuite, il faut s’attaquer à la cause profonde, et bon nombre de ces causes profondes sont des choses que nous devons traiter dans le cadre d’un plan à long terme. Mais c’est impressionnant de voir à quel point Williams a réussi [en 2023]. Certes, l’année dernière, il y a eu une meilleure collaboration entre les différents groupes – l’ingénierie et l’aéro – et cela semble prometteur. »

« Toutes ces choses dépendent évidemment de toutes les autres, mais ils ont débloqué une partie de la performance, ce qui est une bonne étape. »

Plus de moyens que chez Alpine

Williams ayant désormais son directeur technique avec Pat Fry, James Vowles a récemment déclaré qu’il était à la recherche d’un responsable de l’aéro et qu’il comptait sur l’aide de Pat Fry pour trouver la perle rare. Pat Fry pour sa part insiste sur le fait qu’il faut du temps en Formule 1 pour recruter les bonnes personnes et surtout le soutien de la part de la direction : « Il faut de la patience. Les gens ont des délais de préavis de six mois, certains durent un an. » a-t-il ajouté.

« Je pense que le projet que nous avons ici est passionnant. Il s’agit donc d’essayer d’inspirer d’autres personnes à rejoindre ce projet. Les choses qui nous limitaient chez Alpine ne sont pas un problème ici. Le conseil d’administration est derrière nous, ils veulent investir. Ils veulent faire toutes les bonnes choses. L’opportunité est donc là. Nous franchirons une nouvelle étape l’année prochaine [en 2024], mais mon regard est tourné vers les choses à plus long terme. »

« Nous avons besoin d’une vision sur trois ou cinq ans. Donc, pour trouver les bonnes personnes, nous allons attendre un an ou un an et demi peu importe, mais il s’agit avant tout de placer les personnes clés aux bons endroits et de changer l’état d’esprit que nous avons en tant qu’entreprise. »

« Nous ne devrions pas avoir peur des décisions, nous ne devrions pas avoir peur des risques. » insiste Pat Fry.

« Nous devons être courageux. La différence entre le premier et le deuxième réside souvent dans votre courage dans les décisions que vous prenez, que ce soit dans la soufflerie, dans le bureau d’ingénierie, ou dans la rapidité avec laquelle vous prenez les choses. Il faut un environnement dans lequel nous sommes prêts à prendre des risques et où l’échec n’est pas un problème. »

« Vous apprenez de vos échecs, vous apprenez davantage en poussant et en échouant, car vous savez à quel point à quel point vous avez été conservateur. C’est cet environnement qui prendra du temps, mais c’est là que nous devons arriver – là où l’équipe n’a pas peur de prendre des risques. »

En 2023, l’équipe Williams a terminé à la septième place au championnat du monde des constructeurs et certains estiment que l’écurie britannique poursuivra son ascension cette saison.

Interview Pat Fry, directeur technique d’Alpine F1

Pat Fry a rejoint Alpine F1 Team au rôle de directeur technique châssis en février 2020. À l’aube de sa deuxième année à Enstone, Fry poursuivra le développement de l’A521 tout en se concentrant sur la future monoplace de 2022 répondant au bouleversement règlementaire à venir en Formule 1.

Pat Fry possède une riche expérience en Formule 1 en ayant travaillé pour McLaren, Ferrari, Manor et Benetton depuis ses premiers pas dans le sport en 1987.

Il commence au département de recherche et développement de Benetton à Witney, où il œuvre sur des systèmes de suspensions actives. Après un court passage au sein de l’équipe d’essais, il obtient son premier poste en piste en devenant l’ingénieur de course de Martin Brundle en 1992.

En 1993, il intègre McLaren où il restera pendant dix-sept ans, contribuant à soixante-six victoires, un titre constructeurs et trois couronnes chez les pilotes. Pat occupe plusieurs postes à Woking, d’abord dans l’équipe d’essais avant d’être l’ingénieur de course de Mika Häkkinen et de David Coulthard. Il supervise ensuite les deux monoplaces de l’écurie, puis il est promu ingénieur en chef du développement. À ce titre, il joue un rôle déterminant dans le succès de McLaren.

Après dix-sept années chez McLaren, il est recruté par Ferrari en juillet 2010. Directeur technique adjoint puis responsable de l’ingénierie de piste, Pat se voit confier des postes de direction à Maranello, notamment ceux de directeur châssis et directeur de l’ingénierie.

Il quitte Ferrari en décembre 2014, mais il retrouve la F1 comme ingénieur consultant pour Manor Racing dès 2016. Pat réintègre McLaren en 2018 comme directeur technique temporaire, aidant ainsi l’équipe à obtenir la quatrième place, son meilleur résultat final depuis 2012. En novembre 2019, Pat signe avec Enstone qu’il rejoint en février 2020.

Comment se déroule votre expérience jusqu’ici au sein de l’équipe ?

« À vrai dire, c’était une année plutôt inhabituelle ! J’ai pris mes fonctions en début d’année et nous sommes entrés en confinement après sept semaines à découvrir l’entreprise et tous ses départements. »

« Il y a ensuite eu le report du règlement 2021 d’un an et la décision de prolonger la durée de vie de plusieurs éléments des voitures 2020. Je pense que l’écurie a bien su s’adapter, mais il y a eu énormément de travail pour continuer de mener simultanément trois projets différents. »

À quel point avez-vous dû ajuster le programme 2021 avec les changements règlementaires désormais prévus pour 2022 ?

« En 2021, la monoplace doit obligatoirement reprendre de nombreux éléments de 2020. Nous avons essayé de faire tout ce que les règles nous permettent en termes de reconception et d’amélioration. »

« Entre ceci et les changements tardifs du règlement aérodynamique, un gros programme de développement a été mené et nous le poursuivrons aux tests de Bahreïn et aux premiers Grands Prix. »

« Toutes les équipes ont dû suspendre leur développement aérodynamique pour 2022 entre mars 2020 et janvier 2021 avec le report du nouveau règlement et l’interdiction imposée par la FIA de soumettre ce projet en CFD et en soufflerie. »

« Nous avons pu le reprendre dès le 1er janvier comme les autres écuries. Cela ne nous laisse pas beaucoup de temps pour s’adapter à une règlementation inédite, mais nous travaillons sans relâche sur cette nouvelle ère ainsi que sur les développements pour cette saison. »

Pouvons-nous nous attendre à quelque chose de différent ou d’inhabituel sur la voiture ?

« La monoplace de cette année représente une évolution logique de celle de 2020. Nous cherchons à améliorer les performances aérodynamiques tout en travaillant autour des structures qui ont pu être ré-homologuées entre cette année et l’an dernier. Certaines semblent un peu différentes, mais il s’agit davantage d’une évolution que d’une révolution. »

Quelle est l’ambiance actuellement à Enstone ?

« Je pense que l’atmosphère est un peu étrange n’importe où dans le pays en ce moment. De nombreux collègues travaillent à domicile si cela est possible et nous assemblons en même temps la voiture 2021 pour la première fois. »

« C’est déjà une période complexe quand tout se passe bien et nous ne connaissons pas vraiment un hiver traditionnel. Nous avons bien progressé sur les évolutions, mais le temps nous dira où nous nous situons exactement par rapport à la concurrence. »

Comment l’équipe se prépare-t-elle au changement de règlementation en 2022 ?

« Il y a énormément de travail à faire. Notre programme de développement aérodynamique est désormais de nouveau opérationnel après la pause forcée et il y a toujours eu une présence constante du bureau d’études sur ce projet. »

« Il y a des défis sur tous les fronts, à la fois sur le plan des performances et sur celui du plafonnement des budgets, dont l’effet s’accentuera en 2022, puis encore en 2023. Toute l’entreprise travaille pour faire entrer l’écurie dans la F1 de demain. »