De Meo défend l’abandon du moteur Renault F1 : “Je ne peux pas réfléchir comme un fan”

Quelques jours après l’annonce mettant fin au projet moteur F1 à Viry-Châtillon, Luca de Meo, directeur général du Renault Group a défendu ce choix largement contesté du côté de l’usine française.

L’Italien a tout d’abord indiqué que cette décision est un “crève-coeur”, adressant également des mots pour le personnel de Viry, avant d’entrer dans le vif du sujet.

“C’est un sujet très émotionnel, pour moi en premier”, a affirmé Luca de Meo dans une interview à L’Équipe. “Je suis très passionné. C’est un crève-coeur. Cette décision résulte de mois et de mois d’observations.”

“Je voudrais tout d’abord dire que j’admire l’engagement et la ténacité des gens de Viry-Châtillon. Et je sais qu’ils vont demain imprimer cet état d’esprit dans les projets qui attendent leur entité. Ils ont la gnaque. Et ça, c’est une bonne nouvelle.”

“J’ai mal de les voir aussi déçus de cette décision, mais malheureusement dans mon job, je ne peux pas réfléchir comme un fan.”

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Encore deux ans comme ça et le projet se dégonflerait complètement

Ne pouvant réfléchir “comme un fan”, Luca de Meo indique que le projet était à bout de souffle et qu’il menaçait même de s’écrouler si rien n’était modifié.

Je suis un manager”, ajoute-t-il. “Je gère une entreprise cotée en bourse. Et je dois repenser le projet F1, pour enfin gagner. Je cherche donc les raccourcis pour y parvenir.”

“Là, on est devenus invisibles. Encore deux ans comme ça et le projet se dégonflerait complètement. On est depuis trois saisons sur une pente descendante. Il fallait secouer tout ça. Avec en parallèle une logique financière.” 

La partie financière est évidemment cruciale, de Meo indiquant qu’une “telle activité [moteur] coûte entre 200 à 250 millions d’euros par an. En plus du budget annuel de 150 millions.”

“Alpine, vu notre classement perd des primes”, indique par ailleurs l’Italien. “Les sponsors se font rares. On a un trou d’air. Mes actionnaires savent compter. Alpine doit faire de l’argent.”

Avec nos P16, P17, on a l’air de rigolos. Nous sommes nulle part. Les fameux ‘retours marketing’, se sont évanouis. Quand bien même ils ne sont pas quantifiables en argent monnaie.”

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Oliver Oakes : “Je veux juste avoir le meilleur moteur”

Oliver Oakes, qui a succédé à Bruno Famin à la tête d’Alpine F1 cet été, a indiqué vouloir avant tout de la performance, peu importe le moteur équipant ses monoplaces.

Depuis le début de semaine, il est désormais acté que le moteur Renault F1 sera abandonné à la fin de la saison 2025, laissant Alpine devenir une écurie cliente à partir de l’année suivante.

Il semblerait que le moteur Mercedes soit choisi par Alpine F1 pour débuter la nouvelle ère réglementaire. Les unités de puissance produites à Brixworth ont le palmarès pour elles depuis 2014 et le début de l’ère hybride, ayant remporté huit championnats du monde constructeurs.

Cette décision de mettre fin au moteur Renault F1 n’a évidemment pas bien été accueillie au sein de l’usine française de Viry-Châtillon. Les représentants du personnel “regrettent et déplorent” cette annonce, comme ils l’ont fait savoir via un communiqué de presse.

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Si vous gagnez, personne ne se soucie vraiment de ce qu’il y a sous le capot

La question du moteur utilisé par l’écurie Alpine a évidemment été posée à Oliver Oakes, nouveau directeur de l’écurie. Le Britannique, notamment nommé par Flavio Briatore conseiller exécutif de l’écurie, fait de son côté valoir la performance avant tout.

Je pense que, cruellement, pour moi en tant que directeur d’équipe, je veux juste avoir le meilleur moteur et courir. C’est l’essentiel, a-t-il indiqué à RacingNews365 avant l’annonce de l’abandon du moteur F1 à Viry.

Interrogé sur la perte d’identité de son écurie sans les moteurs Renault, Oliver Oakes estime que si son équipe gagne, le moteur ne sera plus un sujet.

Je dirais qu’il y a une grande histoire du côté de Viry et d’Enstone. Mais je dirais aussi que si vous gagnez, personne ne se soucie vraiment de ce qu’il y a sous le capot, et je veux dire cela gentiment.

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Le moteur Renault F1 “victime d’une cabale” menée par l’usine d’Enstone ?

Denis Chevrier, ancien directeur du département moteurs entre 2002 et 2007 chez Renault F1, estime que la guerre interne entre Enstone (la partie châssis en Angleterre) et Viry-Châtillon a participé à la décision d’abandonner les moteurs F1 au sein de l’usine française.

Alpine veut faire de la F1 pas chère, c’est ce qu’ils ont toujours voulu faire”, a affirmé Chevrier à L’Équipe. “C’est pour ça qu’ils n’ont pas réussi la transition vers les moteurs hybride, contrairement à d’autres concurrents.

Ils se sont retrouvés en retrait, ça a été le début d’une période où les moteurs de Viry ont eu du mal à briller. C’est la démonstration malheureuse que si on ne veut pas mettre les moyens, au bout d’un moment, on ne peut pas vivre sur le passé, sur la dynamique amorcée, et peu à peu le navire perd sa vitesse.

Il y a eu une période de succès, et les managers ont voulu faire aussi bien pour moins cher, mais dans un environnement aussi pointu et d’excellence technologique, ce n’est pas possible.

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Chevrier accuse Enstone

Selon le Français, l’usine d’Enstone, responsable du châssis, est à l’origine de l’abandon du moteur F1 à Viry, estimant même que l’usine française est “la victime d’une cabale”.

J’ai un sentiment d’injustice”, poursuit Denis Chevrier. “Je pense que le moteur est la victime d’une cabale de la part de l’équipe châssis, qui a caché ses carences et son incapacité à concevoir des voitures aussi bonnes que les autres en trouvant un responsable.”

Et en semant et arrosant régulièrement le dénigrement de ce moteur. Ce fut d’autant plus facile que ce moteur n’équipait pas d’autres châssis, ce qui est très dangereux pour un motoriste. Et eux continuent à s’amuser avec leurs ailerons…”

Sans doute que ce moteur n’est pas le meilleur du plateau, mais la décision qui a été prise est le contraire de celle qu’un patron qui vise l’excellence avec son entreprise devrait prendre. Alors qu’en plus, dans un sport mécanique, s’il y a un élément sur lequel un constructeur doit le plus s’appuyer pour communiquer et faire la promotion de ses modèles de route, c’est le moteur.

Après l’officialisation de l’abandon du moteur développé à Viry-Châtillon, l’écurie Alpine F1 va donc devenir une écurie cliente à partir de 2026 et devrait, très probablement, être équipée de l’unité de puissance Mercedes.

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Les employés de Viry-Châtillon réagissent après l’abandon du moteur F1

Ce lundi, l’officialisation tant redoutée par les employés d’Alpine Racing est tombée. Le moteur F1 sera bel et bien abandonné fin 2025 malgré l’opposition du CSE (Comite Social et Économique) de Viry-Châtillon.

Le personnel de Viry avait pourtant mené plusieurs actions au cours de ses dernières semaines qui n’ont, au final, pas porté leur fruit. 

Le CSE a donc réagi ce mardi en fustigeant le projet de restructuration de Viry-Châtillon, signifiant la fin des moteurs F1.

L’ensemble des représentants du personnel, portant la voix des salariés et d’une majorité des parties prenantes, regrette et déplore la décision d’arrêter la motorisation F1 en 2026”, débute le communiqué des représentants du personnel d’Alpine Racing.

Ce choix est entériné par le Groupe qui souhaite réduire le risque financier autour de la F1, alors même qu’aucune étude sérieuse n’a été menée pour en évaluer l’impact sur les ventes futures et le prestige de la marque.

“Les solutions de partenariat ont été écartées par le Groupe, alors qu’elles auraient permis de répondre à plusieurs objectifs : le maintien d’une activité de F1, la réduction des coûts de développement et d’exploitation, le maintien de toutes les compétences, la possibilité d’amener un moteur RE26 déjà en grande partie développé et prometteur jusqu’à la saison 2026.”

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Un éventuel retour du moteur Alpine-Renault en F1 difficile à envisager 

Dans sa communication, Alpine a mis en avant ce lundi la création d’un “nouveau centre d’ingénierie de pointe à Viry-Châtillon” nommé “Hypertech Alpine”. Le CSE de l’usine française, de son côté, pointe du doigt un projet “imprécis” tout en mettant en doute un éventuel retour d’un moteur F1 dans le futur.

“Le contenu, les ressources et la pérennité des nouveaux projets que la Direction souhaite apporter à Viry apparaissent encore très largement imprécis”, poursuit le communiqué du personnel.

“Le dimensionnement communiqué de la cellule de veille F1, (effectifs et budget) semble encore trop faible, et remet en question le retour potentiel d’Alpine comme motoriste à terme.”

“L’histoire du site de Viry montre que des décisions contraires ont souvent été prises, et démontre l’importance de maintenir pour l’avenir des compétences hautement qualifiées afin de laisser la porte ouverte à un retour en F1 quand la réglementation et le contexte financier de l’actionnaire le rendront plus attractif.”

Le CSE dresse les conséquences

Le CSE poursuit en dressant une liste de conséquences suite à l’annonce faite par Alpine ce lundi : “Cette mise en œuvre du projet scelle déjà les premières conséquences à très court terme (d’ici 3 mois) sur les emplois et la formation.”

“Le site de Viry-Châtillon passera au 1er janvier de 500 à 334 emplois, avec la fin des contrats de nombreux prestataires. La perte d’une centaine d’emplois indirects chez les principaux partenaires d’ici fin 2024.”

“La fin du Concours d’Excellence Mécanique Alpine (CEMA) soutenu par le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités et le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, portant de belles valeurs d’engagement en faveur de l’égalité des chances favorisant la mixité pour faire rayonner une filière de jeunes talents.”

Viry fait désormais appel “aux pouvoirs publics”

“De manière générale, l’arrêt de la motorisation F1, le manque de maturité des projets apportés et la perte de confiance dans la Direction font peser un risque majeur de départ des compétences critiques du site de Viry”, ajoute le CSE. 

“Malgré la tourmente de ces 2 derniers mois, l’équipe de Viry a continué de développer la puissance du moteur 2026 dont Alpine se prive. Cette décision à contrecourant fait passer Alpine à côté de son histoire sportive.”

“Pour toutes ces raisons, les représentants du personnel du CSE ont rendu à l’unanimité un avis défavorable au projet de transformation.”

“Nous appelons les pouvoirs publics à défendre la pérennité de l’emploi sur le site de Viry-Châtillon.”

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